Résumé :
L’apparition de résistances chez les ravageurs constitue un exemple classique d’évolution en action et représente un enjeu majeur en agronomie. Lorsqu’il s’agit de résistances à des micro-organismes
eux-mêmes capables d’évoluer, tels que les virus utilisés comme agents de biocontrôle, il est essentiel de comprendre les mécanismes adaptatifs impliqués. Cette compréhension ouvre la
possibilité de mieux gérer la « course aux armements » entre le virus et son hôte, et ainsi de proposer des réponses durables au problème agronomique posé par la résistance. Le carpocapse
des pommes (Cydia pomonella) est le principal ravageur des vergers de pommiers et de poiriers à l’échelle mondiale. Pour le contrôler, une méthode de biocontrôle largement utilisée repose sur le
virus de la granulose : Cydia pomonella Granulovirus (CpGV). Après plus de vingt ans d’utilisation à grande échelle d’un isolat unique (CpGV-M), des populations de C. pomonella résistantes de type I
ont été détectées. En réponse, deux nouveaux isolats (CpGV-R5 et CpGV-V15), capables de contourner cette résistance initiale, ont été commercialisés. Cependant, moins de dix ans plus tard,
des insectes multirésistants à ces trois isolats ont été identifiés dans des populations françaises et italiennes, posant la question de la durabilité du CpGV comme outil de biocontrôle. L’objectif de ces
travaux a été de caractériser les propriétés de cette nouvelle résistance, dite de type V, d’en identifier les bases génétiques et de proposer des solutions plus durables pour l’utilisation du CpGV
en vergers. Pour ce faire, nous avons créé et analysé les phénotypes de différentes lignées d’insectes résistants. Des croisements de génétique classique ont révélé que la résistance de type V
était déterminée par un gène majeur, de nature plutôt récessive, situé sur le chromosome sexuel Z. Nous avons ensuite mis en place une approche d’« Evolve and Resequence », consistant à subdiviser une population sauvage multirésistante en lignées soumises chacune à la sélection par un isolat viral différent pendant neuf générations. L’analyse génomique de ces lignées a permis d’identifier les marqueurs génétiques associés à chaque résistance. Des gènes candidats communs aux trois lignées sélectionnées ont été localisés sur le chromosome sexuel Z, en cohérence avec les résultats de phénotypage. Par ailleurs, certains gènes impliqués dans l’immunité, situés sur les autosomes, semblent également avoir été sélectionnés, de façon variable selon les lignées. Ces lignées de laboratoire ont ensuite servi à sélectionner des variants viraux capables de contourner la multirésistance. En exploitant directement la diversité naturelle encore peu mobilisée du CpGV, nous avons constitué une banque de variants présentant une capacité partielle à surmonter la résistance de type V, notamment grâce à des co-infections synergiques. Cette étude a permis d’approfondir la compréhension des mécanismes de résistance de C. pomonella au CpGV et de développer des marqueurs moléculaires permettant leur détection. La démarche proposée dans cette thèse pour renforcer la durabilité du CpGV en agriculture repose, d’une part, sur la détection précoce des résistances émergentes grâce au développement d’outils moléculaires, et d’autre part, sur une adaptation régulière de la composition en variants des produits utilisés. Ces variants, issus de notre banque d’isolats, s’inscrivent dans une logique d’imitation des processus évolutifs naturels. Une telle rotation des variants viraux permettrait de limiter la sélection récurrente des résistances.
Soutenance de thèse de Léa Gingueneau
Le 21 novembre 2025, Léa Gingueneau soutiendra sa thèse intitulée Multirésistance du carpocapse des pommes (Cydia Pomonella) aux granulovirus (CpGV) : bases génétiques et moyens de contournement durable. Cette thèse est dirigée par Miguel Lopez-Ferber, enseignant-chercheur IMT Mines Alès au sein du laboratoire HSM, en partenariat avec l'école doctorale GAIA.
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